
Peut-on tout dire à un enfant ?
Quand les bouts de chou se mettent à poser des questions, nous autres parents restons parfois sans voix. Entre petites confidences et non-dits, comment aborder des sujets sensibles avec nos petits inquisiteurs ? Éléments de réponse…
Dis Papa, comment on fait les bébés ? » On se souvient tous de cette mini bouille à lunettes qui pose à son gentil papounet l’une des questions les plus embarrassantes qui soient, pour des parents bien souvent désarçonnés devant les interrogations multiples (et parfois saugrenues!) de leurs petites fripouilles. Avec le recul, la chose nous fait sourire et pourtant, derrière cette curiosité anodine, se cache un vrai débat : peut-on et surtout, doit-on, tout dire à son enfant.
S’il y a des sujets que l’on aborde avec philosophie et plus ou moins d’humour comme la question de la conception des bébés, d’autres sont pour autant plus difficiles à débattre et demandent quelques précautions selon l’âge de l’enfant. Car il faut bien être conscient que de la même façon qu’un bambin interprétera différemment un film d’horreur (d’où les interdictions), il aura une compréhension dissemblable d’une situation donnée.
Les enfants d’aujourd’hui.
De la même manière que les moeurs évoluent, les enfants d’aujourd’hui sont bien différents de notre époque. Avec l’avènement d’Internet et des nouvelles technologies, le débridement des programmes télévisés et un monde sans pitié (appelons un chat, un chat!), nos petits chenapans sont bien souvent jetés trop tôt en pâture dans une société de surconsommation et du « toujours plus loin, sans limites ». C’est ainsi que de nombreux gamins, en âge de porter un cartable Spiderman, se la jouent gros durs, à siffler les filles et fumer des cigarettes. Que des petites poupées encore fragiles se surprennent à idolâtrer des starlettes de petite vertu. Oui, le constat, bien qu’il ne soit pas général et heureusement, est plutôt alarmant et nous met la puce à l’oreille. Nos enfants, autrefois si innocents, franchissent-ils le cap de la vie d’adulte trop tôt ? Sont-ils prêts, physiquement et psychologiquement à faire un tel bond dans le temps à l’heure où les Lego devraient être leur seule préoccupation ? Doit-on pour autant les traiter comme des mini-adultes et mettre cartes sur table avec eux, même sur des sujets délicats ?
La vie de parent, ce n’est pas facile. Beaucoup de questions, peu de réponses et une seule certitude, il appartient à chacun de choisir la voie éducative qu’il donnera à son enfant. Pourtant, la séparation entre enfance et âge adulte se réduisant chaque année à peau de chagrin, il faut rester méfiant et surtout ne pas tomber dans la facilité en se disant que cette petite princesse qui a l’air si mature, est prête à tout entendre. Ce qui est dit, et à fortiori non-dit aujourd’hui, peut avoir de nombreuses conséquences sur l’avenir…
Protéger son enfant sans lui mentir
« Peut-on tout dire à son enfant » ? C’est un débat à double entrée. Il y a les petits chenapans qui viendront poser eux-mêmes une question pour le moins embarrassante, sur le sexe ou l’existence du Père Noël par exemple (aïe, épineux!), puis les sujets plus durs qu’il faudra aborder avec franchise avec eux, comme la séparation dans un couple ou le décès d’un proche par exemple. Dans les deux cas, la vigilance est de mise. Car un problème grave qui viendra perturber, sur le court ou le long terme, la vie de famille, ne doit pas faire l’objet d’un tabou. L’important ici est de saisir la différence entre explications à sa portée et mensonge. Votre bout’chou vous voit pleurer ? Ne lui dites pas que tout va bien si ce n’est pas le cas, ou il aura l’impression d’être exclu. Gardez en tête que votre enfant saura tôt ou tard la vérité et qu’il pourrait prendre ce mensonge pour une trahison, et serait susceptible de vous en vouloir.
En revanche, il y a une différence notable entre mensonge et ouverture des vannes. S’il n’est pas bon de garder des secrets pour son enfant, il ne faut pas pour autant tout lui dire. La règle ici, si tant est que nous pouvons parler de règle, est d’évoquer avec vos bambins, tout ce qui les concerne directement. Un décès dans la famille, un déménagement, une séparation, une maladie qui le touchepersonnellement ou qui fragilise l’un de ses parents, une adoption : votre enfant a le droit de connaître la vérité et surtout SA vérité. En jouant franc-jeu avec lui, tout en le protégeant des mots trop crus et trop forts (nous aborderons la chose un peu plus loin), vous l’aiderez à affronter les choses difficiles de la vie et à gagner en maturité. Car si l’on souhaite tous préserver l’innocence de nos petits anges, il peut arriver que les circonstances nous obligent à leur entrouvrir la boîte de Pandore…
Des tabous à bannir
Tous les spécialistes s’accordent sur ce point, la communication est l’élément essentiel à la bonne marche du cocon familial. Si votre enfant vous approche avec une question aussi farfelue soit-elle, ne le repoussez-pas à l’aide de « t’es trop petit pour comprendre » ou des « ça ne te regarde pas » qui le laisseront sur sa faim, complètement frustré. Le dialogue doit donc être ouvert, même si parfois vous pouvez être déstabilisés par le bon sens ou les connaissances de votre pitchoune, ne fuyez surtout pas. Une question vous embarrasse et vous ne savez comment répondre ? Utilisez le ton de l’humour en lui assénant un « tu m’as bien eu, je ne peux pas te répondre pour le moment (dans votre tête : au secours, elle est où maman ou il est où papa ?) mais nous allons tenter de trouver une réponse à ta question, ensemble ».
Quand on demande aux parents quels sujets leur semblent les plus difficiles à aborder, quelques notions ressortent principalement comme le sexe, la mort et le changement IMPORTANT d’une situation familiale. On s’imagine alors aisément qu’il est préférable d’ignorer les questions de son enfant, de les détourner ou de lui cacher certaines choses pour le préserver. Or, instaurer des tabous au sein de votre relation ne pourra qu’introduire le doute et l’incompréhension et fausser l’équilibre familial.
Si vous craignez de faire copie blanche face aux interrogations de votre enfant, vous pouvez tout à fait, en fonction de l’âge de celui-ci (on essaie au maximum de préserver leur candeur tout de même), prendre les devants. La sexualité, la drogue, la violence : autant de sujets difficiles à aborder mais qui nécessitent un débat ouvert, préventif et non donneur de leçons (attention à ne pas braquer vos pré ados!)
Trouver les mots adaptés
Cela semble logique et pourtant, adapter notre discours pour qu’il soit intelligible et surtout non-effrayant pour notre enfant, n’est pas évident. Lorsqu’une question est posée ou qu’une situation nouvelle ou inattendue fait surface et appelle à une discussion avec votre bambin, vous n’utiliserez pas les mêmes termes en parlant à un petit de 6 ans qu’à un ado de 16. Trouver des mots simples à sa portée, voilà votre challenge. Ici, on évitera d’utiliser trop de métaphores au risque de confondre votre bout’chou en explications confuses et déformées, qui l’éloigneront de la réalité. Les petites filles qui naissent dans les roses, c’est bien mignon, mais à moins que vous ne souhaitiez que votre fripouille passe sa vie la tête dans les fleurs jusqu’au moment où il se rendra compte, non sans déception, qu’il n’y a aucun bébé dans la belle épineuse, c’est à éviter. De même, en cas de décès d’un proche, il est recommandé de ne pas édulcorer la réalité en disant à votre enfant que « Papy est parti au ciel pour un très long voyage… », ou il risquerait de s’attendre à son retour. Pour initier votre enfant au concept aussi flou que potentiellement traumatisante pour son jeune âge que la mort, n’hésitez pas à lui expliquer les choses simplement en utilisant des situations de la vie quotidienne. Un insecte mort ne fait pas dodo, tout comme un chien qui nous quitte ne va pas vivre dans une belle et grande maison à la campagne.
Dans le cas d’une séparation de couple par exemple, l’enfant a le droit d’être tenu au courant, par ses deux parents pour qu’il se sente pleinement rassuré, en lui expliquant que ce sont des problèmes de grandes personnes et que cela ne changera en rien l’amour que vous lui portez l’un et l’autre. De la même façon, une situation difficile devra toujours être accompagnée d’une petite note positive (« ne t’en fais pas, nous allons faire de notre mieux pour que tout s’arrange »), pour que votre bambin ne se mette pas martel en tête avec des inquiétudes qui seraient nocives pour son jeune âge.
Des limites à ne pas franchir
Bien souvent le cas dans un divorce, il ne faut pas confondre votre enfant avec votre ami. Certes, il devra avoir une oreille attentive en cas de coup dur mais pour autant, ne devra pas faire l’objet de confidences intimes qui ne le concernent pas ou qui diaboliseraient l’autre parent. S’il ne faut pas laisser de questions en suspens, il faut tout de même savoir poser des limites à ne pas franchir, surtout si votre fripouille est particulièrement curieux. Savoir aborder un sujet est une chose, donner des détails superflus en est une autre. Pour vous aider, de nombreux manuels destinés aux parents existent dans le commerce, notamment sur la sexualité, la mort ou encore le divorce, rédigés par des psychothérapeutes spécialisés dans la famille et surtout l’enfance, qui vous permettront de trouver les mots justes.
